Le syndrome de l’intestin irritable et le phénomène de "chevauchement"

Pr. Bruno Bonaz
Pr. Bruno Bonaz
Gastro-entérologue
Grenoble
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Dans les pays industrialisés, environ 5 à 10% des personnes souffrent du syndrome de l’intestin irritable (SII) - mais souvent, le chevauchement (en anglais : "overlap") des symptômes avec d'autres pathologies rend le diagnostic difficile.

Qu'est-ce que le phénomène de chevauchement (overlap) des maladies associées aux céréales ? 

 

Lorsque les personnes concernées viennent en consultation, elles commencent par décrire leurs symptômes. Souvent, elles sentent que certains aliments ne leur font pas de bien. 

Ensuite, à partir des symptômes, on va essayer de rassembler des mesures diagnostiques qui fournissent une explication. Un examen clinique général et en particulier abdominal est réalisé. Des analyses sanguines et de selles sont effectuées, ainsi que parfois des examens endoscopiques et/ou radiologiques, pour rechercher une pathologie dite « organique », à la différence du SII qui est « fonctionnelle », telle qu’une maladie cœliaque, une infection parasitaire, une maladie inflammatoire de l’intestin. Enfin, un diagnostic est posé - et souvent, le diagnostic est alors le SII ou IBS en anglais (irritable bowel syndrome).

Toutefois, on constate souvent qu'en plus des troubles généraux du SII, des groupes d'aliments spécifiques ne sont pas tolérés. Si cela concerne le groupe des aliments à base de céréales, il se peut qu'une sensibilité au gluten ou au blé soit présente en plus du SII. Et dans un tel cas, on a un chevauchement de deux maladies en principe différentes, mais qui se manifestent par des troubles similaires. Et il est tout à fait possible que ces deux choses se produisent en même temps. Dans les pays industrialisés, environ 5 à 10% souffrent du syndrome du côlon irritable - c'est fréquent.

Pourquoi la délimitation correcte par un diagnostic médical est-elle si importante ? 

 

La délimitation correcte est ici très importante pour pouvoir finalement indiquer à la personne concernée les mesures qui l'aideront - et l'empêcher de prendre des mesures qui ne l'aideront pas. Le SII est d'abord traité par des mesures de base telles qu'un changement d'alimentation, des méthodes de relaxation et des modifications du mode de vie. Si aucune amélioration adéquate n'est constatée, des médicaments ciblant les symptômes des patients peuvent alors être utilisés. Il en va autrement des troubles dus à des sensibilités alimentaires. Il s'agit par exemple de troubles liés aux céréales, comme la sensibilité au gluten ou au blé. Dans ce cas, le patient a besoin d'un tri approprié des aliments à éviter - et de ceux qui ne le sont pas. En effet, de nombreuses personnes ont tendance à éviter trop de choses par manque d'assurance. Cela débouche sur une situation qualifiée médicalement de comportement alimentaire d'évitement et de restriction. En effet, les personnes qui ne savent pas exactement ce qu'elles doivent éviter se nourrissent souvent plus strictement que nécessaire. Et à cause de cette sévérité, on glisse facilement de plus en plus vers l'évitement. C'est pourquoi il est très important d'établir un diagnostic spécifique, qui permette également de savoir ce qui provoque les troubles existants.

Quelles maladies doivent être exclues avant de poser un diagnostic de syndrome de l’intestin irritable ? 

 

Le SII peut provoquer un très large éventail de symptômes - dont certains assez peu spécifiques comme des douleurs abdominales, des modifications des selles ou des ballonnements. Avant de poser le diagnostic, les lignes directrices recommandent d'exclure certaines choses - mais elles ne sont pas si nombreuses. En outre, il existe un certain nombre de choses pour lesquelles les personnes concernées et les soignants peuvent décider si elles doivent ou non faire l'objet d'un examen diagnostique plus approfondi dans un cas particulier.

En effet, l'identification approfondie des symptômes individuels est la base d'un diagnostic ciblé. Ensuite, on procède souvent à un examen physique, en examinant notamment l’abdomen et en recherchant des modifications pathologiques. Souvent, je fais rééaliser un examen par ultrasons de la cavité abdominale, examen non invasif. Cela ne permet pas de diagnostiquer directement le SII, mais d'exclure d'autres choses, par exemple des calculs biliaires, des modifications du pancréas ou des maladies du foie, une maladie inflammatoire de l’intestin. En cas de selles molles ou de diarrhée, un examen des selles est également effectué. Les selles modifiées sont alors analysées spécifiquement à la recherche d'agents pathogènes. Le diagnostic médical des selles doit donc être strictement distingué d'un examen général de la flore intestinale, comme le font par exemple les naturopathes. Il n'est pas rare que ces examens soient suivis d'une endoscopie si on a une orientation diagnostique. Une coloscopie permet de détecter les inflammations de l'intestin grêle et du gros intestin. Une gastroscopie et une duodénoscopie permettent de détecter des maladies telles qu'une gastrite ou un ulcère gastrique, ainsi que des maladies de l'intestin grêle comme la maladie cœliaque. Une fois ces examens terminés, on décide s'il existe d'autres soupçons qui méritent d'être approfondis. De tels soupçons pourraient être par exemple une perte de poids involontaire ou de forts troubles concomitants - également de nature psychique. Il s'agirait alors de choses qui nécessiteraient un diagnostic plus approfondi.

Les thérapies diététiques sont-elles différentes - malgré le chevauchement des symptômes ? 

 

Pour les personnes souffrant du SII, il existe des recommandations alimentaires très claires - et il existe également des recommandations alimentaires très claires pour les symptômes spécifiques au gluten ou au blé. Les personnes concernées y parviennent même parfois de manière intuitive. En cas de syndrome de chevauchement, les recommandations alimentaires respectives doivent toutefois être harmonisées. Et pour concilier deux concepts alimentaires différents, une consultation diététique s'impose.

Le SII est traité par la thérapie nutritionnelle à différents niveaux. La première étape est une approche pragmatique qui recommande d'éviter les choses dont nous savons qu'elles ne sont généralement pas favorables. Il s'agit par exemple du café, de l'alcool, des boissons gazeuses ou des jus de fruits en grande quantité. En outre, il convient d'éviter les choses qui, dans le cas individuel, sont connues pour déclencher des plaintes. Si cela ne suffit pas, on poursuivra la thérapie nutritionnelle par étapes. Un journal alimentaire et un journal des symptômes seraient alors utilisés pour mettre en évidence certains schémas. Enfin, le tout aboutirait à un régime pauvbre en FODMAP (aliments fermentescibles). Il s'agit d'un régime cliniquement éprouvé, qui peut être judicieux pour de nombreuses personnes concernées. Si, en plus du SII, je souffre de troubles liés à une sensibilité au gluten, je devrais naturellement élargir mon traitement alimentaire en conséquence. En principe, on me recommanderait de suivre un régime pauvre en FODMAP et de limiter les aliments contenant du gluten.

Pr. Bruno Bonaz : 

 

"Les symptômes digestifs du SII (pathologie dite "fonctionnelle") ne sont pas spécifiques et doivent faire rechercher d’autres pathologies pouvant se traduire par les mêmes symptômes de chevauchement ("overlap" des anglo-saxons), notamment la maladie cœliaque, une maladie parasitaire digestive, une maladie inflammatoire de l’intestin (pathologies dites "organiques"). Une fois le diagnostic retenu de SII, la prise en charge repose sur des règles hygiéno-diététiques, des traitements médicamenteux ciblant les symptômes (avec parfois des "neuromodulateurs centraux"), la prise en charge du stress qui est un facteur favorisant, les thérapies complémentaires (notamment hypnose, thérapie comportementale et cognitive)."

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