Le diagnostic différentiel de la maladie cœliaque, sensibilité au gluten/blé et de l'allergie au blé

Pr. Christophe Cellier
Pr. Christophe Cellier
Gastro-entérologue
Paris
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Douleurs abdominales,  ballonnements, diarrhée et constipation font partie des symptômes typiques de la maladie cœliaque - mais ce sont aussi des troubles par lesquels une sensibilité au gluten/blé ou une allergie au blé peuvent se manifester. 
Ainsi, un diagnostic précis est la condition préalable à une thérapie ciblée. Dans le cas de la maladie cœliaque, cela signifie le passage systématique à un régime sans gluten.
 

Maladie cœliaque, de la sensibilité au gluten/blé et de l'allergie au blé : Quelle prévalence ?  
 

Il est tout d'abord important de préciser que la maladie cœliaque, la sensibilité au gluten/blé et l'allergie au blé sont certes toutes liées aux céréales, mais qu'il s'agit de maladies totalement différentes. La maladie cœliaque est une maladie auto-immune liée aux composants des céréales, en particulier au gluten. Nous connaissons très bien cette maladie, nous pouvons aussi très bien la diagnostiquer et nous savons donc assez précisément quelle est la fréquence de cette maladie dans la population. En France, on estime qu'environ une personne sur 100 est atteinte de la maladie cœliaque. Nous savons également que dans certains pays, ce chiffre est un peu plus élevé et peut être de l'ordre de deux ou trois sur 100.

 

Il convient de distinguer cette maladie auto-immune de l'allergie au blé. Il s'agit ici d'une véritable maladie allergique, c'est-à-dire d'une maladie dans laquelle on est d'abord sensibilisé par un premier contact avec le blé et qui, au fil du temps, produit des anticorps contre les composants du blé. 

Dans le cas de l'allergie au blé, ces anticorps peuvent très bien être mesurés dans le sang. Cependant, nous ne savons pas exactement combien de personnes dans la population souffrent de cette maladie. En effet, l'allergie au blé n'est souvent pas diagnostiquée, car les symptômes sont variables et ne sont pas suffisamment prononcés chez de nombreuses personnes concernées pour qu'elles se fassent examiner par un médecin. 

 

Selon les estimations, l'allergie au blé concernerait environ 1 à 2 % de la population. La sensibilité au gluten/blé est une sorte de fourre-tout dans lequel se retrouvent toutes les personnes qui développent des troubles liés aux produits à base de blé ou contenant du gluten, sans qu'un médecin ne puisse diagnostiquer une maladie cœliaque ou une allergie au blé. 

 

Dans ce cas, le corps réagit simplement de manière sensible, c'est-à-dire qu'il est plus sensible à ces composants alimentaires. Là encore, il n'existe pas de chiffres clairs sur la fréquence, mais les estimations indiquent qu'en ce qui concerne la sensibilité au gluten/blé, nous nous situons dans une fourchette de cinq, voire sept pour cent de la population - ce qui est déjà pas mal.

Quels marqueurs sanguins pour dépister la maladie cœliaque ? 

 

Pour dépister la maladie cœliaque, il est possible de déceler dans le sang des anticorps typiques de la maladie cœliaque. Il s'agit des anticorps anti-transglutaminase tissulaire qui sont dirigés contre le propre tissu de l'intestin grêle de l'organisme. Ce sont des anticorps de type IgA, c'est-à-dire des immunoglobulines A. 


Les anticorps IgA endomysium (EmA) comptent également parmi les paramètres sanguins importants à contrôler en cas de suspicion de maladie cœliaque. 


En cas de forte suspicion de maladie cœliaque, on déterminera également le statut en fer et vitamines D et B12 car la maladie coeliaque est souvent à l'origine de carences de ces micronutriments. 

Pourquoi effectuer une biopsie de l'intestin grêle dans le cadre du diagnostic de la maladie cœliaque ? 

 

La biopsie de l'intestin grêle est très importante dans le cadre du diagnostic de la maladie cœliaque, car elle confirme les soupçons émis par la prise de sang. 

Pour la biopsie de l'intestin grêle, une minuscule caméra et une pince sont introduites par la bouche dans l'œsophage et l'estomac jusqu'à l'intestin grêle dans le cadre d'une gastroscopie. Comme la maladie cœliaque se déroule dans l'intestin grêle, on prélève ensuite des biopsies, c'est-à-dire de petits échantillons de tissu, dans la partie supérieure de l'intestin grêle. Et ces échantillons de tissu sont examinés au microscope. Cet examen permet d'une part de déterminer le degré de gravité et d'autre part de savoir si des tissus ont déjà été détruits. L'intestin grêle sain possède en effet de très nombreuses villosités. 

Mais si la maladie cœliaque dure depuis longtemps ou si elle est suffisamment grave, ces minuscules protubérances s'abîment. Outre ces protubérances, la muqueuse saine de l'intestin grêle présente également des vallées profondes appelées cryptes. Et ces vallées sont également détruites par la maladie cœliaque. La biopsie de l'intestin grêle permet donc de confirmer le diagnostic et de déterminer la gravité de la maladie. C’est également un excellent paramètre pour déterminer, au cours de l'évolution de la maladie, si le traitement - c'est-à-dire le régime sans gluten - est suivi à la lettre ou non. En effet, certains patients ont l'impression de s'alimenter sans gluten et continuent malgré tout à avoir des troubles. 

On aimerait alors vérifier si le gluten se cache dans l'alimentation ou si les troubles sont dus à autre chose. La biopsie de l'intestin grêle permet en quelque sorte un contrôle qui peut être effectué de temps en temps, à un rythme de deux à trois ans. C'est important pour les personnes concernées, car la maladie cœliaque peut s'accompagner de maladies graves si l'alimentation n'est pas systématiquement exempte de gluten. 

Quels paramètres de laboratoire peuvent être analysés pour diagnostiquer une allergie au blé ? 

 

L'allergie au blé est un autre type de maladie parmi les troubles liés aux céréales. Si des symptômes apparaissent après la consommation de blé, le diagnostic est établi par une analyse sanguine visant à déterminer les anticorps contre le blé dans le sang. Dans ce contexte, la question se pose souvent de savoir s'il est judicieux de faire simplement un test global d'anticorps pour tout ce qui existe dans l'alimentation. 
Cependant, le diagnostic d'une telle allergie devrait plutôt toujours être effectué de manière à ce que la personne concernée décrive les aliments qui lui causent des troubles. Dans le cas de l'allergie au blé, il faut d'abord que la personne concernée ait remarqué que les troubles surviennent toujours ou souvent après avoir mangé des produits contenant du blé. Le patient décrit donc clairement un lien possible - et on peut alors, dans le sens d'une confirmation, effectuer un test sanguin pour détecter des anticorps spécifiques et confirmer ainsi le diagnostic d'allergie. Les allergies ne sont ainsi faciles à diagnostiquer d'un point de vue médical.

La sensibilité au gluten et ou au blé


La sensibilité au gluten ou au blé n'est pas une maladie auto-immune ni une maladie allergique. Il n’y a donc pas d'anticorps auto-immuns ni d'anticorps allergiques. Il s'agit d'une hypersensibilité qui se manifeste de manière très différente selon les individus. 

 

Ainsi, certaines personnes remarquent qu'elles développent des troubles à chaque fois qu'elles mangent des produits à base de céréales. Il pourrait par exemple s'agir d'une sensibilité : 

-A la protéine de gluten qui compose le blé  = sensibilité au gluten

-Aux autres protéines du blé, comme les inhibiteurs de l'alpha-amylase-trypsine (ATI) = sensibilité au blé

-Aux FODMAPs, des sucres fermentescibles présents dans les céréales

 

Comment peut-on diagnostiquer une telle sensibilité ? Ce n'est pas si simple, car il n'existe pas de paramètres spécifiques.


Tout d'abord, cela signifie reconnaître que chaque fois que je mange des céréales, j'ai des troubles. Ce n'est que lorsque ce lien existe que cela a un sens d'envisager une sensibilité au gluten ou au blé. Mais si ce lien existe, les directives médicales indiquent clairement que la voie vers le diagnostic passe par l'évitement de ces aliments pendant quatre semaines. Soit systématiquement tous les produits contenant des céréales ou du blé, soit, si l'on veut être plus spécifique, systématiquement tous les produits contenant du gluten. Et si les troubles ont pratiquement disparu ou se sont considérablement améliorés, on procède alors à un test de confirmation. Et ce test de confirmation se fait simplement en augmentant à nouveau la consommation de ces produits pendant deux semaines et en observant si les troubles réapparaissent. Dans ce cas, il s'agirait effectivement d'une sensibilité médicalement prouvée - et il faudrait alors essayer d'éviter les aliments concernés. Cette éviction présente toutefois une différence importante sur le plan médical par rapport au régime à suivre en cas de maladie cœliaque ou d'allergie. 
En effet, en cas de maladie cœliaque, il faut faire attention aux traces de gluten et en cas d'allergie au blé, il faut faire attention aux traces de blé. En cas de sensibilité au gluten ou au blé, il suffit de limiter au maximum sa consommation, mais il n'est pas nécessaire de faire attention aux traces. L'alimentation est donc beaucoup plus simple en cas de sensibilité qu'en cas de maladie cœliaque ou d'allergie au blé.
 

Pr. Christophe Cellier :

 

“La maladie coeliaque (ou intolérance au gluten) est une maladie auto-immune dont les mécanismes sont bien identifiés. Son diagnostic est facile grâce à la détection sanguine d’anticorps spécifiques (anticorps antitransglutaminase) qui doivent être réalisés avant le début d’un régime sans gluten. Elle est associée à des lésions d’atrophie villositaire au niveau de l’intestin grêle qui peuvent empêcher une absorption correcte des protéines et nutriments (fer, calcium par exemple). C’est une maladie fréquente qui concerne plus de 1% de la population, mais souvent diagnostiquée avec retard, car les symptômes sont variables et parfois mineurs. Le traitement repose sur un régime sans gluten strict à vie.”
 

“La sensibilité non coeliaque au gluten est plus difficile à diagnostiquer, car il n’existe pas de marqueurs objectifs de ce syndrome (sanguin ou histologique). Par ailleurs le gluten n’est pas toujours responsable des manifestations observées (rôle des FODMAPS, troubles fonctionnels intestinaux ?). La recherche d’une maladie coeliaque doit être recherchée avant de commencer un régime sans gluten”.